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“Le CDH et le CD&V sont plus forts ensemble”

Bijgewerkt op: 10 mrt. 2019

Ils se sont connus lors des interminables négociations institutionnelles de 2010-2011. En 541 jours de crise politique, Antoine de Borman (CDH) et Benjamin Dalle (sénateur CD&V) ont eu le temps de nouer des affinités. Aujourd’hui, ils multiplient les points communs. Ils sont de la même génération, habitent en région bruxelloise – Schaerbeek pour le premier, Molenbeek pour le second – et sont les directeurs du centre d’études de leur parti, le Cepess au CDH, le Ceder au CD&V. Surtout, les deux hommes s’activent à resserrer les liens au sein de la famille centriste.


Benjamin Dalle (à gauche) et Antoine de Borman (à droite) insistent sur les valeurs et réponses communes qui rapprochent le CD&V et le CDH.


Entretien Antoine Clevers, La Libre Belgique


Maxime Prévot et Wouter Beke, les présidents du CDH et du CD&V, ont répété leur volonté de retisser des liens forts entre les deux partis. À quel point ces liens étaient-ils distendus ?


Antoine de Borman (AdB). Avec le CD&V dans le gouvernement fédéral et le CDH dans l’opposition depuis 2014, on était dans des situations différentes. Avant cela, il y a aussi eu des discussions difficiles entre nous, notamment sur les questions institutionnelles. Mais je pense que, de part et d’autre, on partage les mêmes valeurs. Nos projets politiques sont convergents. Et on est plus forts en les défendant à deux.


Benjamin Dalle (BD). Pour le CD&V, la cinquième réforme de l’État, en 2001, avait été très problématique. Pendant dix ans, il y a eu beaucoup de tensions communautaires. À cette époque, on était aussi en cartel avec la N-VA.


AdB. Ça, pour nous, ce n’était pas évident.


BD. La sixième réforme de l’État aurait pu, selon nous, aller plus loin dans quelques matières, mais le résultat, c’était une pacification communautaire. Notre volonté, c’est d’exécuter cette réforme. Il n’y a pas d’urgence à aller vers une nouvelle. C’est un élément important. Depuis la fin des problèmes institutionnels entre nos deux partis, on peut se concentrer sur ce qui nous lie. Il faut savoir qu’avant 2001, nous avions un service d’études commun, bilingue, le Cepess. En 2001, après la cinquième réforme de l’État, la décision a été prise de le scinder. Au début, il y avait peu de contacts entre les deux services d’études. Mais aujourd’hui, on travaille très bien ensemble. Maxime Prévot a été un orateur à notre “Cederuniversiteit” il y a deux ans. Antoine était là la dernière fois. On a de bonnes relations parce qu’on a des valeurs communes.


Quelles sont ces valeurs ?


BD. En Flandre, on parle du personnalisme. Côté francophone, on parle plutôt d’humanisme. Il y a un an et demi, un livre, De Mens Centraal , développait cette philosophie. Sa logique, c’est que chaque personne est unique, mais qu’elle fait partie d’une communauté, d’une famille, qu’elle entretient parfois une spiritualité. Ce livre avait été symboliquement présenté au siège du CDH. Nos valeurs et notre philosophie de base sont presque identiques, même si, naturellement, il y a parfois des différences dans la traduction politique.


AdB. Il y a trois dimensions qui nous rassemblent : la défense du lien interpersonnel; l’importance accordée à la place du secteur associatif et des acteurs sociaux; et l’éducation, qui est un levier prioritaire pour faire évoluer la société.


Diriez-vous que la famille politique démocrate-chrétienne existe encore, sachant que le CDH a gommé la référence chrétienne dans son nom ?


BD. Oui, je pense qu’il existe une famille chrétienne-démocrate-centriste-humaniste… On l’appelle comme on veut. Ce qui compte, c’est qu’on a des valeurs communes. Cette famille est même plus forte aujourd’hui que par le passé.


La configuration politique depuis 2014, avec le CD&V dans la majorité et le CDH dans l’opposition, a dû être complexe à gérer, non ?


BD. Il va de soi que ne pas être ensemble dans le gouvernement fédéral fut difficile en 2014. Mais depuis, on s’est rapprochés.


AdB. Sur la sixième réforme de l’État, je voudrais insister sur le fait que nos deux partis ont défendu la même chose : le maintien des acteurs sociaux dans la mise en œuvre des compétences transférées. Ce n’est pas un hasard. De la même manière, au gouvernement fédéral, le CD&V s’est battu pour que la concertation sociale soit respectée. Wouter Beke et Kris Peeters (vice-Premier ministre CD&V) ont reconnu que si le CDH avait été dans le gouvernement, on aurait été plus forts à deux pour la défendre.


BD. Si on regarde le travail d’opposition de Catherine Fonck à la Chambre, elle a des interventions constructives. Elle fait un travail sur le contenu. Mais il est normal que le CDH ait eu des positions parfois divergentes de celles que nous défendions dans le gouvernement fédéral.


AdB. Et ça continuera d’ailleurs. On reste deux partis distincts. Mais la volonté est de dire que chaque fois qu’on peut trouver des convergences, on est plus forts si on les défend ensemble.


BD. Parfois, on a même des positions similaires sur des questions gouvernementales… Quand l’ancien secrétaire d’État Theo Francken (N-VA) a voulu limiter le nombre de demandes d’asile par jour, on s’y est opposés. Tout comme le CDH.


Vous pointez vos ressemblances, mais il y a aussi des divergences sur des éléments pourtant essentiels. Par exemple, le CDH juge que la croissance économique ne doit plus être l’indicateur central de l’évaluation du bien-être d’une société.


BD. Mais on est tout à fait d’accord ! La croissance économique est essentielle pour financer notre système social. Mais dans notre programme, il y a une notion centrale, très importante aussi pour le CDH, c’est la qualité de vie. Le pouvoir d’achat des gens est important mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi la santé, la balance entre la vie privée et la vie professionnelle, l’environnement, etc.


AdB. On a parlé des valeurs sur lesquelles on se rejoint. On se rejoint aussi sur l’identification des défis pour l’avenir : la montée de l’individualisme et des populismes; les enjeux climatiques et environnementaux; et l’évolution du marché du travail. On a des réponses communes. On s’inscrit dans cette idée que le progrès d’une société ne se mesure pas uniquement par la croissance économique. Il s’agit de savoir si une activité économique est orientée vers l’amélioration de la qualité de vie des gens. Les vecteurs prioritaires de cette amélioration sont l’éducation, la culture, la santé, l’environnement…


Sur les vingt ou trente dernières années, les résultats électoraux du CDH et du CD&V suivent une tendance baissière. Identifiez-vous des maux similaires ?


BD. L’individualisme, la sécularisation de la société et son urbanisation sont des grands défis pour nous. Mais je sais que nous avons les capacités d’y répondre.


AdB. Ce qui me frappe, c’est que toutes les organisations de la société civile qui s’identifient au courant chrétien et à sa vision de société sont très attractives auprès de la population. Que ce soit au niveau des mutualités, de l’enseignement, de la défense des travailleurs. Cela montre que c’est un courant reconnu pour son efficacité dans le service qu’il rend à la population. Et je pense que ça reste vrai aussi au niveau politique. Mais on a parfois des difficultés à démontrer la pertinence d’une action politique lorsque des mouvements viennent avec des solutions simplistes. Pourtant, on le sait, sur de nombreuses questions, les réponses ne peuvent pas être simples. Nous restons une force de résistance face à ces mouvements populistes, de droite ou de gauche. Je pense fondamentalement que nos deuxpartis sont les mieux armés pour trouver une dynamique positive entre le développement économique, la protection sociale et les enjeux environnementaux.


BD. Du côté néerlandophone, c’est peut-être encore pire. La politique est extrêmement polarisée, faite de populismes. Dans ce contexte, les partis centristes ont parfois du mal à faire entendre leur message. Les médias aiment les positions extrêmes, alors que nos partis sont dans la nuance. Le président français Emmanuel Macron utilisait toujours l’expression “en même temps”. Nous, c’est “enerzijds, anderzijds” – d’une part, d’autre part (rires). Le défi, pour nous, c’est d’être clair dans une approche nuancée.


Comment mieux faire entendre votre message à seulement trois mois des élections ?


AdB. On doit travailler sur notre communication, mais la base, c’est l’éducation. Il faut faire œuvre de pédagogie.


BD. S’il y a une chose que les populistes nous ont apprise, c’est qu’il faut partir des émotions des gens, partir de leurs besoins. Ensuite, nous, on vient avec des solutions, pas avec des slogans comme les populistes.


Le CDH et le CD&V iront-ils d’office ensemble dans le prochain gouvernement s’ils en ont la possibilité ?


AdB. Notre priorité, c’est de démontrer la pertinence de notre projet politique. Et on sera plus forts en le faisant ensemble.


BD. Il va de soi qu’en tant que CD&V, nous serions contents de travailler avec le CDH. Mais il y a d’abord les élections. C’est l’électeur qui distribue les cartes.


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